Ta journée avait commencé relativement tôt, aujourd'hui, et pourtant, tu te trouvais encore dans ton bureau, alors qu'il était dors et déjà presque 19 heures. Quelle idée était-ce donc que de fixer des entretiens à une heure pareille ? pensas-tu. Un soupire s'échappa de tes lèvres légèrement entrouvertes alors que le candidat devant toi finissait de déblatérer son curriculum vitae en y mettant un maximum de bons sentiments. Tu te racla la gorge, étouffant ton souffle, ne voulant tout de même pas le déstabiliser si rapidement, d'autant que pour l'instant, ce dernier était ton favori. D'allure élégante et soignée, parlant d'une voix calme et posée, tu le trouvais étonnement séduisant et, l'embaucherai bien comme secrétaire personnel ou bien, plus simplement encore, comme encas. Mais, pour l'heure, il n'était pas temps de songer à ces choses ; ton rendez-vous suivant devait probablement déjà être présent. Poliment, affichant une mine satisfaite, tu coupa court aux démonstrations du jeune homme, lui indiquant que votre entretien était maintenant terminé, et que, bien entendu, tu ne manquerai pas de le rappeler, qu'il soit sélectionné ou non. Jetant un bref coup d’œil à ton bureau, afin d'apercevoir le nom du prochain candidat, tu réalisas qu'il s'agissait d'une femme, Kairi Inosuka, une japonaise, vraisemblablement. Tandis que ton précédent interlocuteur passait sa veste, tu l'accompagnais jusqu'à la porte de ton bureau, celui-ci étant d'ailleurs le plus simple, bien que savamment décoré, l'autre étant celui du Musée. Tu préférais de loin recevoir ici, l'endroit était quelque peu moins oppressant et moins intimidant pour de potentiels futurs employés, mais, t'y trouver te frustrait aussi, tu ne t'y sentais pas aussi à l'aise. Bien sûr, quelques tableaux, quelques bibliothèques bien fournies et quelques beaux ornements de bois étaient visibles, mais, pas suffisamment à ton goût, tout y était trop moderne et trop neuf. Le jeune homme, une fois fin prêt, se tourna face à toi, et te salua, te serrant la main. Comme à ton habitude, ta seule réaction face à son geste fût l'ignorance ; tu le jaugeas quelques seconde, observant sa main ridiculement tendu vers toi, avant de ramener ton regard à ses yeux, et de lui adresser un sourire poli. Passez une bonne soirée Monsieur Clerc, nous vous tiendrons informé de notre décision. L'homme fut quelque peu troublé, mais se rappela de son arrivée, où la réaction de son hôte fût la même ; tu haïssais être touché, encore davantage par quelqu'un d'une classe aussi.. Inférieure ? Oui, tu pouvais le dire, inférieure. Tu espérais avoir le temps de te détendre quelques minutes avant ton prochain rendez-vous, mais Mademoiselle Inosuka semblait déjà prête à enchaîner. À peine avais-tu ouvert la porte pour permettre au blondinet de s’éclipser qu'une jeune femme élancée, aux traits franchement asiatiques se présenta. Bonsoir.. je suis ici pour l'entretien d'embauche. Je me présente, je suis Kairi Inosuka. Tu retins d'une main de maître un soupir d'agacement ; après tout, cette petite n'y pouvait rien. Soit, tu laissas s'éloigner le jeune homme, avant d'affronter son regard, relativement fuyard et anxieux. Un sourire se dessina sur tes lèvres, alors que tu proposais à la jeune femme de prendre place en entrant dans ton bureau, lui tenant la porte. Je vous en prie Mademoiselle, entrez. Une fois la porte close, tu proposas à la brunette de prendre place sur l'un des fauteuils se trouvant devant elle, face au bureau. Tu allais immédiatement t'installer derrière ce dernier, te servant une tasse de thé avant de t'y asseoir. Certes, le thé ne faisant office que de façade, mais, tu appréciais tout particulièrement l'odeur qui se dégageait du Lapsang Souchong. Remettant rapidement de l'ordre aux papiers se trouvant sur ton bureau, tu te saisissais du dossier qui concernait Kairi. 25 ans, originaire du Japon.. Tu avais vu juste. Tu esquissais un sourire, relevant les yeux vers ton interlocutrice. Bien Mademoiselle Inosuka.. Que pouvez-vous me dire sur vous ? Le ton que tu employais n'était pas sévère, juste conventionnel. Tu détestais passer pour un monstre lors des entretiens, dans tous les cas, les employés sauraient bien vite si tel était le cas ou non, alors à quoi beau le cacher ou au contraire l'exacerber ? Tu parlais donc d'une voix calme, compréhensive, presque douce. Alors que tu venais de lui poser la première question de son entretien, avant même de te présenter à elle, attendant une réponse, tu feuilletais les éléments dont tu disposais afin de la cerner ; l'ennui, c'était que tu n'avais pas grande chose, et tu devrais donc attendre qu'elle daigne t'en dire davantage. En outre, tu constatais qu'elle maîtrisait plusieurs langues, ce qui serait un réel plus pour les visites. Tu décidais donc de lui laisser sa chance, apposant sur ton bureau les quelques pages que tu avais en main, avant de t'enfoncer au fond de ton fauteuil, lui faisans face. Tes jambes, galbées par de fins collants noirs, étaient croisées, et mise en valeur par une jupe crayon de couleur pourpre. Ton chemisier, blanc, était habillé d'un veston en velours, de couleur identique au bas. Tu joignais alors tes mains sur tes cuisses, prête à boire chacune de ses paroles. Un discret sourire, se voulant encourageant, se dessina sur ton visage.  

Tu écoutais la brunette en face de toi, patiemment et avec un réel intérêt ; ta journée pourtant si éreintante te semblait à présent loin derrière toi, et tu prenais finalement goût à cette petite entrevue nocturne. Brièvement, tu prenais quelques notes, puis, immédiatement, le poste le plus adapté aux capacités de ton interlocutrice te parut être celui de guide, davantage que celui de femme de ménage. Un sourire encourageant se dessina sur tes lèvres, tandis que tu retirais le sachet de thé qui infusait dans ta tasse, l'égouttant avant de le jeter dans la poubelle qui se trouvait sous ton bureau. Je n'ai pas peur de travailler avec des vampires. Je sais que beaucoup refusent de travailler la nuit à cause d'eux. Mais moi cela ne me dérangerait pas.. Tu faillis avaler de travers la gorgée que tu venais de prendre en bouche, si cela était possible, avant de reposer ta tasse et de fixer Kairi, les yeux ronds. Il était effectivement rare d'avoir quelqu'un d'aussi audacieux en face de soi, de nos jours, mais, il était également avéré que les vampires était monnaie courante, aujourd'hui, alors pourquoi faudrait-il se voiler la face quant à leur existence? Beaucoup d'employés refusaient de travailler, dès la nuit tomber, de peur de tomber nez à nez avec l'une de ces créatures, et pourtant, la jeune asiatique en avait un tout près d'elle. Tu te ressaisissais, éclaircissant ta voix d'un toussotement, mettant une frêle main pâle devant tes lèvres. Je vois. Tu fixais à présent ton bureau, la paperasse s'y étant accumulée, cherchant tes mots. Comme vous le savez peut-être Mademoiselle Inosuka, le Musée est en voie d'expansion, actuellement, et nous cherchons à accroître nos capacités d'accueil. Aussi, proposer des circuits nocturnes serait un vrai plus, tout comme la capacité à les proposer. Je peux dors et déjà vous proposer un essai de quelques visites. Je pourrais d'abord vous accompagner, en interne, puis vous laisser créer vos propres présentations et tour du site au travers des différentes expositions, parfois éphémères, qu'en pensez-vous? Ta question se voulait rhétorique, évidemment ; rares étaient les prétendants au poste qui refusaient ce dernier lorsque il leur était offert sur un plateau de la sorte. N'attendant même pas la réponse de la jeune femme, tu attrapais dans l'un des tiroirs de ton bureau un contrat vierge saisonnier, afin de proposer à Kairi un poste provisoire, visant surtout à vérifier ses capacités avant toute embauche définitive. De plus, la clientèle du soir était bien entendue docile, comme celle de journée, mais bien plus "diversifiée", les vampires puissants et reconnus de notre ère ne se privant pas d'une visite en un lieu où leur venue n'était en rien dérangeante. Cependant, tu savais presque avec certitude que la jeune femme ne refuserait pas ce poste, quoiqu'il en coûte, tout du moins, c'est ce que tu espérais. D'autant que, dans l'optique d'une collaboration, tu cherchais également quelqu'un qui pourrait potentiellement mener à bien d'autres sortes de visites, plus relatives à un banquet, mais cela n'était encore qu'une idée qui germait en toi, te mettant l'eau à la bouche. Tu chassais rapidement ces pensées de ton esprit, ramenant tes yeux à Kairi. Tu lui souriais à présent, dévoilant un regard presque maternelle, bienveillant à son égard. Remarquerais-tu, Kairi, les dents blanches et acérées ? Ferais-tu attention, Kairi, à la pâleur de son visage ? Comme pour vérifier ses dires, tu te demandais si elle s'était déjà rendu compte d'à qui elle avait à faire. Tu en doutais, mais tu savais qu'elle finirait par le comprendre, et deux choix s'offriraient alors à toi ; la tuer, et ainsi t’octroyer un encas, puis gagner son silence, ou bien la laisser réagir en conséquence, fuir ou travailler avec pour toi. C'est alors qu'il te sembla soudain évident que de tels mots ne pouvait sortir de l'esprit d'une simple humaine. Immédiatement, tes sens se mirent en éveille, alors que tu tentais de déceler quels étaient ses secrets. Tu en étais persuadée, Kairi n'était pas un vampire, mais, tu étais autre chose, qui visiblement, ne craignait pas ces créatures ...