Si Charlie participe à ce petit jeu de semblant de séduction dangereuse, elle n'en est pas moins inquiète de la tournure qu'il peut prendre. Dans cette danse ô combien charmeuse, elle ressent d'autant plus la menace qui émane de l'Originel. Elle a l'impression que ses caresses invisibles peuvent d'un coup devenir aussi mortelles que le soleil et que, pour une fois, elle n'a aucunement le dessus. Ses lèvres se rapprochent dangereusement à plusieurs reprises et si au début Charlie se demandait à quoi il jouait, maintenant elle se laisse juste aller au sentiment animal qui bouillonne en elle. C'est plus fort qu'elle, il y a quelque chose d'infiniment attirant chez Klaus et sur le coup elle se maudit d'être aussi faible face à un autre Mikaelson. La première leçon devrait lui avoir suffit mais vraisemblablement elle se laisse de nouveau charmer par des paroles bien trop mielleuses. Personne n'est parfait. Elle aimerait s'offusquer du fait qu'il l'accuse de vouloir le charmer, surtout que c'est lui qui a commencé à lui tourner autour et à la frôler à tout va, mais elle aurait l'impression de ne pas y croire elle-même. Alors elle se tait, se contente de hausser un sourcil accusateur en guise de désaccord et se laisse insulter poliment de sirène. Elle a quand même plus de charme que ces vulgaires femmes-poissons aux cheveux ravagés par le sel -oui messieurs dames, les légendes et Disney nous mentent-.

Il y a un fossé entre le sourire mirifique de Niklaus et son regard aux desseins sombres, une différence d'objectif que Charlie n'arrive pas à pointer du doigt, si bien qu'elle ne sait absolument pas dans quoi elle s'engage. Pire encore, elle ne voit pas ce que l'Originel peut lui trouver d'utile, si ce n'est sa haine contre Elijah. Il vaut toujours mieux avoir des alliés certifiés potentiellement utiles que des personnes neutres dont le camp n'est pas encore certain, certes, mais là ça va un peu loin dans la réflexion. Et puis au fond, est-ce que ça a vraiment de l'importance ? Le souffle de l'hybride vient caresser son oreille dans une phrase aussi vexante que rassurante. Elle avait pourtant fait de son mieux pour qu'il ne perçoit pas son inquiétude, mais visiblement ses sens étaient plus aiguisés que ce qu'elle pensait. Ou alors elle s'était montrée plus méfiante que menaçante dans ses paroles et alors c'était entièrement de sa faute. Chiant, mais pas impossible. Charlie était profondément troublée par les manières de l'Originel. Elle sentit ses doigts la toucher pour de bon, enfin, simplement pour remettre une mèche de cheveux brune derrière son oreille mais il lui a tellement tourné autour que le geste à la puissance d'une caresse. Elle sent un long frisson s'emparer de son corps, entièrement, comme une emprise électrique, et sa peau se hérisse de petits picots ne laissant aucun doute sur l'origine de leur réaction. Mais si le simple fait de replacer une mèche de cheveux a donné lieu à une réaction électrisante, la main sur sa hanche lui donne l'effet d'un coup de poing dans le ventre. Pendant quelques secondes, elle sent son estomac se nouer, son coeur s'arrêter et son souffle se couper. Et elle se déteste de ressentir autant de choses d'un coup, elle avait pourtant mené une vie froide au coeur d'un plan parfaitement millimétré jusque là. A quel moment son cerveau avait-il dérivé au point de dire "fuck, j'laisse tout tomber et j'fais ma vie" ?

Les yeux de Charlie se relèvent pour rencontrer ceux de l'Originel, sans qu'elle ne dise quoi que ce soit. Elle se sent piégée. Par son regard, mais aussi par le genre de pacte qu'ils venaient de faire. Il est dangereux, autant que son frère, voir plus, si il change d'avis du jour au lendemain et décide de la tuer, elle n'aurait pas de deuxième chance. Et si elle change d'avis maintenant et refuse son offre, elle se fera probablement tuer aussi, sauf qu'elle n'y gagnera rien. Alors elle se met à sourire, légèrement, comme si l'évidence lui avait sauté au visage. Dans le premier cas elle aura au moins pris sa revanche sur Elijah et rien que pour ça, elle est prête à prendre le risque. "Je serai à tes côtés." déclare-t-elle enfin. Et puis elle approche un peu plus de lui, ne laissant que d'infimes millimètres entre leurs lèvres mais sans le lâcher du regard pour autant. Les bases du contrat étaient posées, elle pouvait relâcher un peu sa méfiance. Lentement, presque sensuellement, elle brise cette loi muette qui leur interdit de se toucher et pose l'une de ses mains bien à plat sur sa chemise, à l'emplacement de l'un de ses pectoraux. "Mais arrête de jouer de tes charmes si tu n'as pas l'intention de les assumer, ou je risquerais d'en abuser." Et sur ces mots, elle pousse -sans vraiment forcer- sur son torse pour le faire reculer. Geste qui ne marchera que s'il n'a plus envie de jouer et se laisse repousser, elle en est bien consciente, et c'est tout l'intérêt de la chose. Poser des barrières tout de suite ou les abolir définitivement.

Le corps de l'hybride s'était éloigné, comme si un coup de vent trop violent l'avait repoussé, et Charlie aurait presque pu refermer ses doigts pour empêcher cet éloignement qu'elle ne voulait pas vraiment. Elle n'en fit rien, laissant Niklaus s'éloigner d'elle avec la certitude qu'il aurait bien aimé pourtant aller plus loin dans ce rapprochement. Son sourire, son regard, c'était assez explicite aux yeux de la jeune femme. Ou peut-être était-ce faux et voulait-elle juste y croire. Toujours est-il qu'elle se sentit comme soulagée. Elle n'était pas la seule à s'être prise au jeu, c'était tout ce qu'elle voulait savoir. Si elle allait encore se faire avoir, ou si il y avait un réel échange de l'autre côté. Quatre cent ans plus tôt, elle n'avait pas la clairvoyance nécessaire à cela. Elijah avait profité de sa naïveté et de ses rêves d'enfant, il était hors de question que ça recommence aujourd'hui. Mais Klaus était loin, très loin de ressembler à Elijah. En fait ils n'avaient absolument rien à voir, que ce soit dans leur manière de parler, de se tenir, de se présenter. L'époque n'y était pour rien, un autre langage aurait parfaitement marqué la différence de la même façon. Non, c'était autre chose, quelque chose de plus profond, de plus émotif. Là où Elijah s'était contenté de jouer un rôle -qu'il maintenant encore aujourd'hui, soit 400 ans plus tard- sans l'avoir fait évoluer, Klaus était... Authentique. Un parfum de dangerosité planait autour de lui, honnête et menaçant, une aura douce-amère qui promettait autant de souffrance à un traître que d'affection à un ami loyal. Elle était là, la différence. Elijah n'avait probablement jamais eu de réels problèmes sociaux, grâce ou à cause -selon les points de vue- de son attitude retenue et contrôlée. Niklaus, avec son caractère franc et joueur, devait avoir très peu de proches sur qui compter et se montrer de ce fait encore plus méfiant. Et si Charlie arrivait à se monter une théorie là-dessus, c'était parce qu'elle se sentait proche de ce comportement. De la même façon que 400 ans plus tôt elle s'accordait parfaitement avec le masque que portait Elijah, aujourd'hui elle se sentait en accord avec le véritable visage de Niklaus. Et rien que ça, ça retirait un poids de ses épaules, parce qu'à force de penser que personne ne nous comprend et n'accepte de voir plus loin que ce que les actes montrent en premier plan, on devient parano et on se sent extrêmement seul. Alors Charlie ne savait absolument pas si Klaus se sentait seul ou non, mais les points communs entre leur attitude respective étaient assez nombreux pour qu'elle ait l'impression, pour une fois, de ne pas avoir à constamment regarder dans son dos.

Le Diable s'était rapproché, une fois de plus, brisant la symbolique du geste qu'elle avait eu. Elle lui avait demandé de se décider, de pencher d'un côté ou de l'autre de la balance en arrêtant de la faire basculer, et il lui rappelait, une fois de plus, qu'il ne faisait que ce qu'il voulait et qu'aucun rejet ne saurait le tenir loin d'elle tout comme aucune poigne aussi ferme soit-elle ne saurait l'y retenir. Et elle aimait ça. Elle aimait cette difficulté qui s'opposait à elle, elle aimait ce caractère qui affirmait ce qu'il voulait, elle aimait ce que cette nouvelle alliance pouvait promettre. Et putain, elle aima tellement qu'il lui mordille le lobe de l'oreille qu'elle en vibra entièrement. Elle ferma les yeux pendant quelques secondes, freinant un instinct animal au fond d'elle qui lui aurait bien hurlé de se jeter sur cet homme, et lorsqu'elle les rouvrit elle était parfaitement calme. Les mots chuchotés par Klaus planaient encore autour d'elle, provocateurs, ou provocants, elle n'était pas certaine que Klaus soit conscient de leur force. "Je crois que je vais éviter de répondre à cette question piège." Pourquoi serait-ce à elle de se mouiller ? De plonger dans le jeu la tête la première ? Elle n'avait plus fait confiance à un homme depuis... Eh bien, depuis Elijah. Elle ne voulait plus jamais revivre cette douleur dans la poitrine qu'aucun baume ne savait soigner. Encore fallait-il qu'elle puisse contrôler ça. "Mais je n'ai jamais été très douée pour suivre les règles." renchérit-elle. Au moins il était prévenu. Elle l'avait aussi prévenu un peu plus tôt que s'il décidait de la trahir et de s'en débarrasser, elle saurait lui arracher quelque chose au passage. Les règles du jeu étaient posées, la partie pouvait commencer.

La silhouette de l'hybride s'écarte enfin, passant tout près de celui de la vampire pour lui glisser un nouveau frisson. P'tit con. Et tandis qu'il s'éloigne, à reculons, en écartant les bras comme s'il défiait le monde de lui envoyer ses foudres, la petite brune se tourne lentement pour lui faire face. La conversation change drastiquement de sujet et Charlie n'a aucun mal à se détacher de l'atmosphère brûlante pour se concentrer sur ce pourquoi il était venu à la base. Elijah. La révélation tire d'ailleurs une expression de perplexité à Charlie. "Je l'ai pourtant croisé il n'y a pas si longtemps que ça." Elle croise d'ailleurs les bras sur sa poitrine pour camoufler un frisson de terreur qui parcourt son corps au souvenir du laboratoire dans lequel elle était enfermé. Saleté d'endroit dont l'a tiré Elijah. C'était sans doute pour ça qu'elle n'était pas elle-même morte en ayant tenté de le tuer. Parce qu'il lui avait sauvé la vie. Le cheminement se fait rapidement dans l'esprit de la jeune femme. "Mais je suppose que si son départ imprévu coïncide avec ton arrivée, en plus du fait que ce soit toi qui aies récupéré le message que je lui avais envoyé, c'est que tu y es pour quelque chose ? " hasarde-t-elle. Une théorie que Klaus confirma à demi mots à sa prochaine réplique. A moins que la vieille connaissance ne parle pas de lui ? "C'est toi, la vieille connaissance qui lui aurait fait peur ?" demanda-t-elle sans détournement. "Non parce que moi quand je l'ai croisé il n'avait du tout l'air de culpabiliser. Il semblait au mieux surpris, au pire complètement dégoûté de voir que j'étais toujours vivante. Et le connaissant, je suppose que son acte héroïque lors de nos retrouvailles lui a semblé suffisant pour effacer son geste passé." dit-elle avec amertume. L'amertume ne lui allait pas, ça lui donnait un petit air sévère, avec le nez plissé et le regard froid, mais c'était plus fort qu'elle, rien que de parler d'Elijah formait en elle une désagréable sensation de haine et de douleur. Des sentiments qu'elle avait toujours gardé au fond d'elle sans jamais laisser personne tenter de les broyer.

Les retrouvailles avec Elijah avaient été puissantes, fortes en émotion, et pourtant Charlie ne pensait pas que parler de lui, l'imaginer dans les environs et en savoir autant sur son image actuelle pouvait la mettre dans un état pareil. Elle était irrémédiablement attirée par Elijah, parce qu'il avait fait d'elle ce qu'elle était aujourd'hui, parce qu'il était le seul qu'elle avait aimé le temps de sa courte vie, et parce qu'elle tentait en vain de comprendre l'incompréhensible. D'obtenir des réponses aux questions qu'il n'écouterait jamais. De se libérer d'un fardeau qui n'était pas le sien. De se débarrasser de cette culpabilité qui lui faisait croire qu'elle était responsable de sa mort, qu'elle avait dû faire quelque chose de travers. Et elle savait qu'elle allait souffrir lorsqu'elle saurait, lorsqu'elle comprendrait qu'il n'y avait pas d'explication à tout ça, que tout ce qui avait poussé Elijah à mettre fin à sa vie comme si elle lui appartenait n'avait rien de plus complexe que son caractère impulsif et son instinct animal. Là-dessus, Niklaus ne pourrait pas l'aider, même s'il le voulait. Et pourtant il allait être la clé pour rapprocher Charlie du dénouement de sa vie. Après 400 ans, elle pourrait éventuellement abandonner ce refus catégorique de s'attacher à qui que ce soit.

Niklaus était donc l'aîné, probablement d'une grande fratrie s'il était plus vieux qu'Elijah. La contraception n'était pas tout à fait au point à l'époque. Toujours est-il qu'il semblait agir comme si il connaissait son cadet par coeur. Une assurance que Charlie n'admettait pas particulièrement. Elle avait un autre point de vue, bien moins centré sur une tentative de manipulation de lui-même d'Elijah. Elle l'avait quand même vu massacrer un laboratoire de recherche entier et il lui avait sauvé la vie avant de la reconnaître. Et de disparaître, certes, mais tout avait été fait avec... altruisme. "Je pense surtout que ton frère cherche sa rédemption. Il aura beau faire toutes les bonnes actions du monde, il ne saura pas racheter la culpabilité de ses années sanguinaires. Il ne se constitue pas une armure, mais une bulle. Et il va finir par y mourir asphyxié d'hypocrisie." Klaus s'était rapproché de la porte, et Charlie en déduit qu'il comptait s'en aller. Elle le suivit du regard, avec une pointe de regret toutefois. Elle aurait pu parler avec lui des heures durant sans se lasser, mais s'il se montrait trop présent il en deviendrait probablement moins désirable. Une pensée qui s'envola à la dernière tirade de l'hybride. Le pincement au coeur qui s'empara de Charlie eut l'effet d'un coup de massue. Elle se sentait soudainement épuisée, vidée de toute son énergie. Qu'est-ce qu'elle avait pu lui en donner, de l'amour, à l'époque. Elle se souvient encore de la façon qu'avait son coeur de s'emballer en lisant ses lettres, en le croisant à la boutique de ses parents, et de toute la chaleur qui embrasait ses sens lorsqu'elle l'avait rejoint au bal. Cette soirée, elle avait été si merveilleuse. Jusqu'à ce que tout s'éteigne.

Le regard dans le vide, Charlie avait laissé un blanc s'installer pendant quelques secondes, avant qu'une lueur de tristesse ne s'allume dans son regard. Elle était peut-être élégante, douce et charismatique, elle était peut-être morte et cruelle, Charlie n'en restait pas moins une âme blessée. "Tant mieux pour lui." fut tout ce qu'elle trouva à lui répondre. Qu'est-ce qu'elle aurait pu dire d'autre ? Râler sur lui pendant des heures n'y aurait rien changé, elle ne lui aurait pas mis la main dessus pour autant et elle n'aurait pas pu changer le cours du temps. "J'aurais aimé ne jamais faire partie de ces imbéciles." Détachant finalement ses pieds du sol pour enfin bouger, elle se dirigea naturellement vers la porte de l'ascenseur. Elle avait besoin d'un verre, de quelque chose de réconfortant. Du chocolat, à la limite, ou un peu de sang. Elle appuya sur le bouton de l'ascenseur dont les portes s'ouvrirent aussitôt et entra dans la cabine, sans un regard de plus pour Niklaus. Elle aurait aimé ne jamais faire partie de ces imbéciles qui avaient cru aux paroles d'Elijah, et aujourd'hui elle se fiait à celles de Klaus. Au moins cette fois, elle n'avait plus rien à perdre.