Riche d'une éducation catholique, cela faisait pourtant bien longtemps que tu n'avais plus mis les pieds dans une église, cependant, tu avais toujours trouvé en ce lieu une espèce d'atmosphère qui, contre toutes attentes, t'apaisait et te permettait de te retrouver face à toi même, ce qu'étonnement, tu recherchais en ce jour. Certes, tu avais faim, mais, une faim qui se limitait à un désir sourd et intime, plutôt qu'à un tiraillement douloureux et destructeur, alors, plutôt que d'aller chasser ou de traîner dans ton bureau, au musée, tu avais pris la décision de faire un peu de tourisme, dans cette ville qui était maintenant la tienne. Downside regorgeait d'endroits fantasques et amusants, mais la ferveur humaine ne t’intéressait guère, autre chose te préoccupait, mais, quoi? Ta venue en était d'ailleurs la source, quelque chose te torturait, et tu ne savais pas de quoi il pouvait s'agir. Vêtue d'une jupe crayon noir et blanche, d'un col roulé blanc ainsi que d'un veston en velours bordeaux, tes doigts fins enveloppés de gants blancs effleurèrent la vieille poignée en métal de la porte de l’édifice, encore intact, malgré les âges qu'il avait traversé. Un grincement se fit entendre lorsque la porte s'entrouvrit, te permettant d'entrer dans l’Église de la Croix. Tu l'avais déjà visité, il y à quelques mois, pour un enterrement, d'après les maigres souvenirs que les lieux éveillaient en toi, l'un des employé de musée, quelque chose dans ces eaux là. Néanmoins, tu n'avais pas pris le temps de faire corps avec la pierre et le bois qui ornaient la bâtisse, te t'en imprégner. L'église était déserte et silencieuse, l'occasion rêvée pour toi de t'y attarder. Seuls quelques cierges brûlaient, de ci, de là, rendant le tableau légèrement moins austère. L'odeur ambiante, mélange d'humidité et de cire fondue, rendait le tout véritablement pittoresque. La nostalgie de ton époque, probablement, te faisait apprécier cette dernière. Silencieusement, tu avançais vers l'autel. Le bruit de tes talons résonnait lourdement, à chacun de tes pas, et, ton souffle, bien qu'inutile, se mêlait au vent qui s’immisçait par les vitraux et autres vieilles cavités vétustes dans ce qu'était la demeure de l’Éternel, comme les croyants l'appelle. Au dehors, le temps était frais, mais pas glacial ; le soleil était presque absent en ce jour, et tu n'avais ainsi eu qu'à porter tes lunettes de soleil ainsi que tes gants, ne craignant pas pour ta vie de cramer littéralement sous ses rayons. Arriver face à l'immense représentation d'un Christ meurtri, tu l'observa un instant, retirant délicatement tes gants pour les ranger dans l'une de tes poches. Tu lui fis volte face, venant ensuite longer les bancs du premier rang, caressant le bois solide qui le constituait de tes doigts. Tu étais là, être d'une puissance incontestée et incomparable, mais seule et torturée, comme tu l'avais toujours été. Torturée ? Peut-être pas tant que cela, pensas-tu. Mais, un rictus se dessina sous tes lèvres. Si, tu l'étais, en partie à cause de toutes ses âmes que tu avais détruite ; ces mêmes âmes qui jamais ne trouveront de repos en des lieux comme celui-ci. Replaçant une mèche de cheveux derrière ton oreille, tu t'asseyais au premier rang. Tu observais les tableaux et sculptures, sujette à leur beauté, mais pas à leur but ; Saint Jude, patron des causes désespérées, Saint Michel, patron des chasseurs des présence diaboliques, lisais-tu. Tu étouffais un petit gloussement. Auraient-ils tous pris un congé sabbatique ? pensas-tu avec amusement. Nul Saint, nulle puissance ne pouvait t'amoindrir, et bientôt, tu jouirais d'un nouvel ami animal de compagnie à tes côtés, tu en étais persuadée. Un soupire s'échappa de tes lèvres, alors que tu baissais la tête pour contempler tes mains lier ; lorsque l’éternité est son quotidien, il est bien dur de le meubler de façon attractive.