Remember what we're fighting for.
Le corps était gris, de nombreuses veines apparaissaient sur sa peau et les yeux grands ouverts avaient laissé une atmosphère glaciale dans la pièce. Charlie fixait du regard ce jeune vampire, qui avait été l'un de ces enfants pour peu de temps. Isaure était en ville depuis quelques temps avec sa petite troupe mais tout portait à croire qu'ils ne savaient décidément pas se tenir. Elle se leva, contourna son bureau d'un pas lent sans lâcher le corps du regard, et vint s'accroupir près de celui-ci pour lui fermer les yeux.
"Brûlez-le." ordonna-t-elle d'une voix douce. Elle aurait pu vouloir hurler que le ton ne serait pas sortit de sa bouche comme elle le voulait. Elle était incapable de hausser la voix de toute façon, ce n'était ni dans sa nature, ni dans sa façon de faire. Elle se redressa et s'écartant, laissant deux de ses enfants emporter le corps. Plus loin, à peine un mètre sur sa gauche, deux autres gardaient une emprise ferme sur un jeune vampire bien trop orgueilleux et insolent. Blake posa enfin les yeux sur lui, imaginant pendant une seconde tous les sévices qu'elle pourrait lui faire subir. Elle était là pour les aimer, les protéger de ce genre de choses. Aujourd'hui, elle devait obtenir justice pour la peur que cet affront avait éveillé dans ses troupes. Ce n'était pas la première fois que les sbires d'Isaure s'exposaient comme une menace, il était temps de mettre les choses au clair.
Lorsque Blake pénétra dans le hall du siège de l'entreprise d'Isaure, elle traînait au sol le corps du vampire, qui avait subi bien trop de choses pour que sa cicatrisation se fasse immédiatement. Trois de ses enfants la suivaient, les plus vieux, menaçant du regard quiconque s'approcherait de leur patronne. Et si la scène pouvait parfaitement coller dans un film d'action badasse, Charlie y aurait pourtant fait tâche. Petite, menue, un visage de poupée pour une voix on ne peut plus douce et chaleureuse. Elle n'avait absolument rien d'impressionnante et le contraste entre la violence de la scène et la grâce de Charlie avait de quoi laisser dubitatif.
"Madame Devereaux, je vous prie." demanda-t-elle en fixant la réceptionniste du regard, qui ne se fit pas prier deux fois avant de commencer à taper un numéro sur son téléphone.
"Vous pouvez annoncer Charlie Burberry." Les regards étaient tous posés sur elle et ça la foutait franchement mal à l'aise. Charlie était une femme de l'ombre, qui orchestrait ses manœuvres depuis les coulisses pour mieux diriger ceux qu'elle choisissait comme acteurs. Mais aujourd'hui, elle avait cédé à l'appel de ses enfants, à leur tristesse et à leur peur. Aujourd'hui, elle devait prouver qu'elle était la Mère sur qui ils pouvaient tous compter. Et malgré qu'elle n'aimait pas spécialement se salir les mains ou s'exposer sur le devant de la scène, elle n'oubliait pas les capacités merveilleuses que sa nature et son âge avancé lui offraient.
La touffe de cheveux qu'elle tenait fermement entre ses doigts se mit à bouger légèrement. Elle baissa les yeux vers le vampire qui commençait à se tordre légèrement, dans l'espoir impossible de se dégager de l'emprise de la Dame. Un mouvement sec de la main, et elle lui dévissa lentement la tête, lui tirant un hurlement de douleur.
"Ne me quitte pas déjà, je n'en ai pas fini avec toi." lui dit-elle presque avec tendresse. Si ses paroles avaient été autres, sa voix aurait pu mettre en confiance n'importe qui. Charlie dégageait cette prestance des temps passés qui n'existait plus que très rarement sur cette terre, et elle aurait sans doute fait une mère biologique merveilleuse pour un enfant sortit tout droit de ses entrailles. Privée de ce don, elle en avait adopté d'autres dont l'immortalité les rendait d'autant plus serviables. Les trois qui l'accompagnaient avaient été des premiers qu'elle avait transformé, dont elle s'était occupée, et ils donneraient corps et âme pour la survie de leur Lady. Leur présence ici n'était pas anodine, mais ils n'avaient à aucun moment le droit de s'en prendre à Isaure. Elle était réservée à Charlie, si jamais les choses dégénéraient.