Parce qu’il y a une part d’ombre en chacun de soi, j’ai voulu faire de la psychologie pour découvrir la mienne. Ce besoin incommensurable de toucher le mal, de le défier, de l’approcher. Mais pourtant, de le combattre. Je suis quelqu’un de jugée altruiste. J’aime aider les gens, j’aime que la bonté soit présente et que les ténèbres restent loin de nous. Mais ce n’est pas pour autant que je fais ce que je pense. J’ai essayé, tant bien que mal de rester loin de tout ça, loin de ce monde, de ne pas m’en approcher malgré tout. Mais c’était viscéral, vital, impulsif. Au début on avance lentement, on tâtonne, on piétine, on observe, on hésite. Et ensuite ? Un regard suffit pour faire pencher une balance déjà bien faible. Je suis la descendante O’Connell, la dernière de ma lignée. Unique héritière de nombreux objets occultes. Cette découverte m’a alors propulsé dans un monde auquel je ne voulais appartenir. La magie, le surnaturelle, j’étais une rationnelle, mais pourtant, j’ai bien dû finir par admettre que la science n’expliquait pas tout. La mort de mon frère Sean, s’en est suivit de celle de mon oncle, Kieran, des actes inexplicables, inexpliqués, si ce n’est que par le fait que les sorcières étaient responsables de tout ça. Je les ai maudites, détestés, j’ai eu envie de les tuer de mes propres mains pourtant je n’ai rien fait. J’ai beau me penser forte je ne suis pas naïve. Je sais bien que le pied que j’ai mis dans le monde surnaturel m’a rendu vulnérable. Fragile. Parce que j’étais humaine, et l’humanité tue. J’étais éphémère. Vivante. Mais pourtant déjà morte par ce lien qui m’unit à la famille originelle. Voilà ce qui a fait de moi ce que je déteste être aujourd’hui. J’ai essayé de m’en défaire, mais pourtant, je revenais, constamment, encore et encore et encore jusqu’à mettre ma propre existence en péril. Je n’étais pas suicidaire, J’aimais cette vie qui était la mienne, elle n’était pas parfaite mais je l’aimais à tel point que je prenais des risques pour me sentir plus vivante que jamais. Et c’est ça qui m’a mise en danger. Ca m’en rend malade, en colère contre mes propres agissements, contre ce monde qui m’entoure, contre lui, contre tous ceux qui m’ont conduit là où j’en suis. Mais pourtant c’était inévitable. A partir du moment où j’ai posé le pied à la Nouvelle-Orléans, à partir de ce moment où j’ai croisé son regard, j’ai tout de suite compris que ma vie était tout simplement... Foutue.

La question n’est pas de savoir d’où je viens, ni qui je suis, mon passé, mon histoire. Qu’importe. Ce qui compte c’est de comprendre ce qui m’a conduit ici, dans cette ville, dans cette situation et pourquoi je suis devenue ce que je suis. Ce que je déteste être. Ce que je maudis le plus. Tout ce que je demandais c’était de comprendre la mort de mon frère Sean. De savoir ce qui l’avait poussé à tuer ses semblables alors qu’il était bon. Un homme de Dieu en devenir, un homme de foi, un homme juste. J’étudiais la psychologie à l’époque, non pas pour comprendre ce qui pouvait se passer dans le cerveau d’un homme. Mais pour m’étudier moi, mes pulsions, ces choses que je refoulais tant bien que mal, ce crime dont je ne parlais jamais et qui pourtant malgré l’abomination de mon geste ne m’apportait aucun sentiment de regret ou de tristesse. Juste un vide, un creux, un trou inconcevable et littéralement incompréhensible pour la personne que j’étais. Poussée par ce besoin de comprendre l’inexplicable, j’ai simplement bouclé mes valises, quittant la ville de Chicago pour la Nouvelle Orléans, cette ville que j’avais fui, mais pourtant, cette ville dans laquelle reposait l’âme de mon frère mais surtout cette ville qui détenait les réponses à mes questions. Pourquoi, comment l’innocence même pouvait se transformer en un véritable monstre. Comment, pourquoi, on pouvait passer du stade d’homme de religion et de conviction à meurtrier sanguinaire en une simple fraction de seconde. On ne parlait pas de schizophrénie, de dédoublement de la personnalité ou même d’un simple coup de tête. Mon frère ne s’était pas transformé en un véritable démon sans la moindre explication du jour au lendemain. Il ne se droguait pas, il ne buvait pas, il ne baisait même pas. Il était la pureté et le bien incarné. Tout simplement.

C’est dans cette ignorance que j’ai posé mes valises ici. Entrant dans un monde qui pour moi était des plus normal, des plus saint. Je ne connaissais rien, je ne savais rien, et aujourd’hui je me rends compte que j’ai été naïve de penser que l’irrationnelle n’appartenait qu’à des comptes pour enfants. La frontière entre le bien et le mal reste mince, faible et discutable. Je l’ai su ce jour où, un peu trop bourrée, j’avais explosé le crâne de ce type avec une bouteille de bière. Ce même type qui avait tenté de violer ma meilleure amie de l’époque. J’étais alors âgée de 19 ans. C’est ce même acte qui m’a poussé à étudier la psychologie pour tenter de comprendre comment je fonctionnais et pourquoi, malgré le sang qui séchait sur mes mains, je n’éprouvais aucun remord. Juste ce sentiment de satisfaction d’avoir tué un cafard. C’est comme ça que je me sentais, et je me faisais peur. J’avais cette part d’ombre en moi et je ne savais pas d’où elle venait. Moi qui pourtant me pensais juste, gentille, incapable de faire de mal à une mouche. Une mouche sans doute, mais l’homme peut parfois se montrer bien plus nuisible qu’un nuisible lui-même. J’avais ce penchant, cette attirance pour le mal. Sans savoir d’où cela me tenait. Lui, il en est bien la preuve en chair et en os que mes attirances restent quelque peu discutables. J’étais nouvelles à la Nouvelle-Orléans, je ne connaissais personne mis à part mon oncle Kieran qui ne cessait de me répéter de partir, mais je restais. J’avais besoin d’un toit, d’argent, c’est comme ça que je me suis dégoté le job de barmaid chez Rousseau. Sophie Deveraux n’était rien d’autre qu’une débauchée. Pas méchante, mais moins elle en faisait, mieux elle se portait, et autant dire que mon aide lui était plus que précieuse. A sa mort je suis restée. Parce que j’y trouvais mes propres intérêts. Etre barmaid ou psychologue, il n’y a pas grande différence. Les gens parlent. Et j’apprenais de ce que l’on voulait bien me confier.

C’est dans ce cadre que je l’ai rencontré pour la première fois. Lui et son putain de pourboire à 100$. Il dégageait une aura qui me poussait à partir loin de lui. Il ne dégageait rien de bon, mais pourtant, il m’a touché dès lors qu’il a ouvert la bouche. Je l’ai revu ensuite alors que je regardais ce peintre torturé œuvrer dans la rue. J’ai compris que ça en était terminé de moi. J’étais venue pour avoir des réponses, je me suis retrouvée encore plus dans l’ignorance et dans le questionnement. Niklaus était ce genre d’homme qui obtenait toujours ce qu’il voulait et il fut une des raisons pour lesquels je suis restée malgré ce que me hurlait mon instinct. Celui de partir. Loin de lui, loin de cette famille. Loin de tous ces potentiels ennuis. Il m’a fallu du temps pour comprendre la mort de mon frère. Pour comprendre ce qu’il se passait. Quelques coups d’hypnoses, quelques post-it pour tenter de comprendre l’intégralité de ces blacks out. Une vielle photo et des recherches. J’ai été plus maligne qu’il ne le pensait. Je l’ai enregistré alors qu’il me faisait écrire ses soit disant mémoire, et j’ai compris qui il était. C’est là, à cet instant, que j’ai découvert l’existence de ce monde. Et c’est là où j’ai fait la plus grosse erreur. Celle de restée mais au-delà de ça, celle de me laisser emporter dans ce monde. Quelque temps après mon oncle a subi le même sort que mon frère. L’enchantement des sorcières qui l’a rendu fou, et qui a fini par le tuer. J’ai imploré Klaus de le transformer pour qu’il reste dans ce monde, mais Kieran n’avait pas envie de finir damné. Il s’est donc donné la mort et j’ai hérité de son secret. De cet incroyable collection d’objets occultes. Je suis devenue malgré moi la gardienne d’un véritable trésor. Ce qui m’a conduit à avoir de grosses emmerdes, notamment avec les Guerera. Cette salope qui voulait tout mais qui au final a fini décapitée sans le moindre procès.

Ca a duré un temps. J’ai été transformé à l’âge 30 ans pour avoir été amoureuse du mauvais garçon. Vincent m’avait prévenu mais je ne l’ai pas écouté. J’étais bornée. Mais surtout, je l’avais dans la peau. Je l’aimais et ça ne se discutait pas. C’est cet amour qui m’a conduit là où j’en suis. De la jalousie, un acte et ensuite la mort assurée. J’ai pu obtenir mes réponses mais à quel prix ? Celui de la vie. Je me suis condamnée moi-même. J’ai tenté de mourir, de me suicidais, je refusais cette condition. Mais j’ai fini par apprendre à l’accepter. Je sais qu’à l’heure d’aujourd’hui il est facile de redevenir humaine. Si maintenant je le souhaite ? Je n’en sais rien. J’ai suivi le mouvement, quittant la Nouvelles-Orléans pour Downside. Choisissant un camp, celui de la neutralité. Nous voulant prendre parti dans cette guerre stérile. Mon parti, je l’ai choisi malgré moi il a de cela des années en arrière. Et je ne le changerais pas. Je l’ai suivi. Dans la vie comme dans la mort. Et je pense que c’est pour ça que je m’obstine à continuer d’avancer. Parce que je l’ai dans la peau, que ça refuse de partir, que c’est comme une gangrène grandissante et purulente. Ca ne part pas, ça refuse de partir. Ca me rend folle, ça me détruit, ça m’a détruit. J’ai conscience que je suis devenue plus que l’ombre de moi-même. Mais je sais que je refuse de vivre loin de lui. Pourquoi ? Encore des questions, toujours des questions mais cette fois je n’ai pas la réponse. Cette fois… Je ne comprends pas et je pense que ça fait partis des choses qu’il ne faut pas chercher à comprendre. Est-ce que lui envisage les choses comme moi ? Je ne sais pas non plus. Mais tant que je peux l’observer, tant que je peux le voir, ne serait-ce que de me contenter d’un bonjour, je me sens complète. Tant qu’il est là. Alors je reste… C’est devenue la simple histoire de ma vie.

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