Il portait en lui, la triste mélancolie d’une histoire inachevée et condamnée qu’il avait reléguée au ban des assises. Son regard s’était terni au travers des siècles, puisant dans la cruauté, la force nécessaire pour avancer. Il terrassait ses ennemis sans pitié, arborait dans un triomphe rouillé, un sourire ensanglanté. Il lui arrivait d’entendre encore la douce symphonie que lui imposait ses pas depuis des siècles, refrain perpétuel d’une chanson révolue et qui de ses notes, l’extirpait de sa captivité volontaire. C’est avec dépit qu’il avait élu domicile à Downside, loin du berceau de Jazz qui avait constitué son royaume autrefois. Les ruelles offraient des relents fétides de chair en décomposition et de pisse de poivrot. Son odorat était sans cesse attaqué, son moral cédait avec une aisance particulière à la douce mélancolie meurtrière qui lui seyait depuis des siècles. Déambulant dans ces mêmes rues, à l’affut du moindre mouvement, des effluves délicieux l’extirpent de ses pensées et le conduisent machinalement jusqu’à toi.

Son regard détaillait dans l’ombre toute la scène, un léger sourire égaye ses traits pour parachever une expression aussi indicible que mystérieuse. Il croise les bras contre son buste et fixe l’homme torturé, écoutant les battements de son cœur s’accélérer pour finalement succomber à la douleur. Ta cruauté n’avait d’égal que ta beauté, tu possédais presque une élégance sauvage qui lui indiquait que tu n’étais probablement pas d’ici… encore moins de cette époque.

Il exerce une pression sur son épaule pour se redresser et marcher dans ta direction, un sourire pour seul artifice et pour seul accueil il applaudit ironiquement en se dévoilant face à toi. Les lèvres plissées vers le bas, il désigne de son index le pieu de fortune que tu avais pris en guise d’arme pour te défendre.

« - Relâche ça trésor, sinon je puis t’assurer que l’exquise agonie que tu as si vaillamment offerte à ta victime te sera rendue sans plus de cérémonie. »

Il joint ses mains dans son dos avec nonchalance et s’avance vers toi, la mine dubitative. Ses pas étaient minutieusement calculés, presque provocateurs et assurés. Il remonte lentement son menton lorsque l’ombre de sa silhouette épouse la tienne, arrêtant sa démarche pour ajouter dans un brin de voix espiègle :

« - Je ne sais comment qualifier ton attitude. Créatrice ou stupide. » Il fronce les sourcils et lève les yeux au ciel en feignant la réflexion, un léger rire lui échappe lorsqu’il cambre son visage et souffle dans un semblant de confidence : « - Pardonne-moi de pencher pour la deuxième. »

Ton dialecte lui était inconnu, ou du moins… la danse de ta langue lui rappelait une douce symphonie qui l’avait quitté depuis quelques siècles déjà. Tu étais probablement étrangère, un pays de l’Est ? Quoi qu’il en soit, bien que ton cœur batte comme celui d’une vulgaire humaine, ton regard reflétait une expérience inouïe et une personnalité qu’il n’avait que peu côtoyé durant sa longue existence. Tu l’intriguais. Et lorsque ses céruléennes se plongèrent dans les tiennes, lorsque son doigt toucha ton arme en l’éloignant très lentement, son sourire s’élargit. Finalement, le jeu allait pouvoir enfin reprendre… et la ville allait connaître une nouvelle partie d’échec. On a tous un rôle à jouer dans ce monde, et il en avait justement un à t’octroyer.

Il plisse les yeux et sa lèvre découvre sa dentition inférieure. Sa perplexité laisse place rapidement à un sourire carnassier alors qu’il inspire simplement et souffle dans un brin de voix dépité, probablement touché par une pointe de déception :

« - Je vois. Il ne sert à rien d’échanger ces piètres discours si la compréhension nous fait défaut. »

Il plisse ses lèvres, un éclair de malice éclaire ses céruléennes. La colère, la frustration et la rage qu’il avait accumulées depuis son arrivée, se bousculaient dans son esprit et avivait le vil désir de t’ôter la vie pour combler un simple besoin de distraction. Bien que ses désirs ardents soient prometteurs, sa raison le soumettait à l’incroyable réalité des faits : s’il te tuait sans comprendre pourquoi tu avais ramassé cette étoile magique, il encourrait un risque non négligeable.

Et il admirait, contemplatif, ton comportement instinctif et bestial. Quelque chose d’envoûtant te conférait une aura presque animale. Il esquisse un sourire avant d’attraper violemment ton arme et, avec une vélocité propre aux vampires, retourne la situation en collant ton dos à son torse, et menaçant ta gorge de ta propre arme.

Ses lèvres caressent ton lobe, son souffle frôle ta chair et il peut entendre les battements de ton cœur. Il imagine avec délectation ta surprise, hume ton parfum et les effluves de peur qui pourrait te caractériser. Il passe très lentement sa langue entre ses lèvres, son regard se ferme alors qu’il murmure :

« - Abandonnons les grands discours… Il serait dommage que ma patience ne soit altérée par le temps et que je découpe ton joli petit corps en deux. ~ »

Son sourire s’élargit, il hausse les sourcils et incline son visage. Son autre main s’attarde sur ta hanche pour t’immobiliser et éviter que tu ne fasses un geste brusque pour te dégager de sa prise. Il gardait le contrôle et s’amusait de tes réactions… comme deux bêtes en quête de réponses, vous laissiez vos sens communiquer à la place de vos mots. Il n’avait plus ressenti une telle exaltation depuis des siècles, et même s’il savait cet attrait éphémère, il n’hésiterait pas à en profiter jusqu’à se délecter de la douce agonie qu’il te réservait.

Il lâche ton arme sur le sol et remonte ses doigts sur le collier que tu venais simplement de prendre. La magie lui conférait une aura particulière, et si tu l’avais pris pour cette raison, c’est que tu étais une sorcière… que ta vie valait bien plus que celle d’un piètre homiféré ou que d’un humain… cette race ne cessait de pulluler dans les rues de Downside, en quête d’un but pour leur existence ineffable. L’homme était à la fois une créature intéressante et pathétique, il n’avait d’attrait que dans l’expectative de sa mort…

« - Si je ne peux déceler ton langage, il me faut pénétrer ton esprit… »

Il sentait le poison de la peur remonter le long de tes veines pour venir instiller sur les pans de ton cœur, un frêle battement qui comprimait ton organe avec délectation. Son sourire s’étire, un bref instant, alors que ses doigts se recourbent lorsque tu lui intimes de ne point te dérober le collier qui suscitait toute sa convoitise. Il entrouvre les lèvres, lentement, y passant sa langue pour les humidifier dans un geste furtif. Il remonte son menton et son ouïe délaisse les battements harassants de ton cœur pour se prêter au glas mélodieux qui venait de sonner le déclin du jour. L’alerte était donnée aux humains, les vampires n’allaient pas tarder à sortir de leurs antres pour errer dans les rues brumeuses de Downside. Son sourire s’étire en un rictus en coin, alors que le fil ténu de sa patience venait de se rompre en un instant. Il tourne violemment ton corps vers le sien avant de te plaquer avec vélocité contre le mur derrière toi. Sa jambe se déplace entre les tiennes pour obstruer tout mouvement de défense alors que sa main attrape ton poignet, cherchant minutieusement la veine qui irriguait la plaie de ta paume avec tant d’indécence. Son regard brille d’une lumière incandescente, soumis à sa propre nature de vampire, il pouvait sentir l’attraction hypnotique du sang sur ses sens et tentait de s’en extirper. Un feulement sauvage lui échappe, te contemplant de son regard impérieux, il finit par rapprocher son visage du tien, murmurant tout contre tes lèvres dans un latin parfait :

« - Je ne suis pas comme ces vampires. Je suis une autre créature… bien plus puissante… »

Il incline son regard, une musique plane dans l’air et appose son rythme, lui indiquant que le temps pressait. Ses céruléennes se détournent de ta chair pour dévisager la vieille église qui était visible non loin de votre ruelle. Le jour troquait sa cape de vertu pour la robe du velours des péchés. Et c’est empreint d’une envie plus lourde encore qu’il attire ta main à ses lèvres pour en lécher les quelques bribes de sang qui venaient de t’échapper. Un sourire malicieux pour seul artefact à son indifférence, il remonte son visage vers le tien et souffle alors :

« - Et si on allait discutailler de ce que tu as à m’offrir d’autre que ton sang en échange de ta survie ? Hm. »

Il hausse les sourcils, bien que la situation ne se prêtait à aucune distraction ni amusement, il ne pouvait se départir de son sourire enjôleur, presque mesquin. Il humecte ses lèvres et lorsqu’il peut sentir l’odeur fétide et nauséabonde si caractéristique des vampires des bas-fonds, il attrape violemment ton poignet et s’éclipse jusque dans l’église en te tirant à sa suite.

Lorsqu’il ouvre dans un fracas, les deux portes pour pénétrer dans l’antre sacré du commun des mortels, l’hybride te tire et de fait glisser sur le sol tout en lâchant sa prise. Tu étais de toute façon prisonnière à ses côtés jusqu’à l’aube, et il savait pertinemment que ton air hagard dissimulait une grande lucidité et une clairvoyance si caractéristique des sorcières. Il lève son index pour désigner les hautes voûtes de l’église vétuste qui faisait office d’abri de fortune avant de souffler dans un ton presque sarcastique :

« - Tu avoueras que cet endroit est approprié pour le salut de ton âme. »

Un léger rire pour accompagner ses propos, toujours en latin, il finit par se rapprocher et s’accroupir face à toi, haussant les sourcils délicatement. L’église était le lieu parfait, on y fêtait la mort et la vie à la fois dans un même sacrement… ton dernier soupir allait corrompre l’air saint qui embaumait la salle… tu avais les cartes de ton avenir en main, pour une sorcière, il trouvait cela presque coquasse.

« - Ne fais pas cette tête, trésor. La lune est pleine, c’est une belle soirée pour mourir. ~ »

Et il découvre ses dents dans un énième sourire, laissant au silence qui retentissait, l’aumône d’un rire.

Il incline son regard et son sourire s’étire dans une légère moue sarcastique. Il contemplait avec arrogance ta soumission apparente, tu n’étais qu’un être de chair dépourvu de tout pouvoir. À ses yeux, une simple proie qu’il pouvait conditionner pour les jours à venir et l’ère qui allait débuter sous le joug de son seul pouvoir. Il arque un sourcil lorsque tu sembles révoltée, prête à te battre malgré le fait que tu sois consciente de ton échec. Il plisse les lèvres et se redresse un léger rire lui écorchant les lippes avec une certaine provocation, portant un ultime blâme à l’atmosphère sépulcrale de la bâtisse.

« - Quel orgueil démesuré… » Il baisse ses céruléennes sur ta main et remonte très lentement jusqu’à ton visage, son sourire mutin pour seul artifice à son discours, soulignant son ironie naissante :
« - Pour un être qui perd si facilement du sang. »

Il passe très lentement sa langue entre ses lèvres et inspire profondément. Il tend son oreille pour écouter les errances sans harmonie des vampires qui n’oseraient pénétrer l’antre de Dieu. Ou du moins, s’approcher d’un endroit où sa seule aura semblait prendre possession de l’air lui-même.

« - Mais je t’arrête tout de suite. On ne peut me tuer. »

Il se rapproche de toi et te soulève sans mal, venant lentement prendre ton menton entre son index et son pouce pour te forcer à le regarder. Il souffle alors, retroussant le nez pour murmurer en détachant chaque syllabe avec une amertume caractéristique :

« - Je suis l’hybride immortel. »

Il n’avait cure de savoir si tu connaissais ou non la légende qui accompagnait son nom au travers des siècles et des cultures. Tout ce qu’il voulait, c’était attirer ton attention afin que tu comprennes correctement ce qu’il voulait de toi et que tu choisisses ton destin en âme et conscience. Il allait te fournir des cartes, tu allais être seule maitresse de ton jeu. Habile est le joueur qui feint l’ignorance pour abattre ses dernières cartes et remporter la manche. Il libère ton menton de sa prise et te dépasse pour se rapprocher de l’autel, s’y appuyant il écarte légèrement ses bras tout en arborant son éternel sourire :

« - C’est simple. Tu utiliseras de temps à autre ta magie pour moi et en échange, je t’assure une protection sans faille. »

Il plisse les lèvres et remonte son index pour avorter toute tentative d’intervention de ta part. Il inspire et continue dans la même expiration :

« - Je suis Klaus Mikaelson, et crois-moi… mieux vaut m’avoir dans son camp que de susciter ma colère et se vouer à l’éternel châtiment de ma haine… »

Son regard te fixe sans jamais te voir. Tout était flou autour de lui, il ne pouvait que distinguer ta silhouette, son intérêt pour toi étant relativement moindre. Il remonte son menton et expire légèrement, un soupir à peine perceptible pour une ouïe humaine telle que la tienne. Son rictus reprend lentement ses droits et lui fait grâce d’une expression plus légère, pourtant il appose à l’atmosphère une tension dont lui seul tenait les rênes. Il lève son index dans ta direction, son regard se précise, ses céruléennes détaillent chacun de tes traits et il recompose ton image mentalement dans son esprit pour en déterminer la véritable valeur, les avantages et les inconvénients que tu représentais pour la suite des événements.

« - Sais-tu combien de temps il faut au corps humain pour se vider de son sang, lorsque l’on incise adroitement l’aorte au niveau de la cuisse ? »

Il hausse les sourcils. La question était rhétorique, il n’attendait aucune réponse de ta part. Il t’invitait juste à rengainer ta hargne et ta rancune pour lui prêter une véritable attention. Il t’offrait le fil d’un espoir. Tendez une corde à un humain au bord du gouffre et prêt à mourir et son instinct le poussera à s’en saisir. Il vous suffira uniquement de remonter la ficelle délicatement et lentement, jusqu’à ce que l’être ne soit plus que pantin, attiré par la charité illusoire d’un seul geste.

« - Trois minutes approximativement. » Il incline son regard et croise les bras contre son buste avant de porter un regard scrutateur sur l’un des vitraux. « - Pour vider le corps de son sang, évidemment. Il n’en faut qu’une pour que la mort ne vienne sonner son glas. »

Il fronce légèrement les sourcils. Tu semblais paniquée, comprenant progressivement à qui tu avais à faire. Mais loin de vouloir réellement inspirer la crainte comme à l’accoutumée, c’est ton comportement qui l’intriguait et le poussait à devenir légèrement plus compatissant. La délicatesse avec laquelle il s’entretenait avec toi, malgré son sarcasme, prouvait que son objectif premier n’était pas de te tuer. Il baisse son regard sur le collier que tu portais, ses céruléennes s’assombrissent simplement à cette vue.

« - Tu es une sorcière ? » Siffla-t-il pour toute réponse à ta déférence soudaine. Certes, ton alliance n’était pas à négliger, mais il devait d’abord s’assurer que tu étais une alliée digne de confiance… ou du moins un pion qui allait être loyal assez longtemps pour lui apporter un quelconque avantage dans la guerre qui semblait se préparer dans l’ombre de la cité éternelle de Downside.

Il soupire et finit par s’avancer vers toi. Son regard te toise sans grande conviction, il se fichait pas mal de te prouver qui il était dans le fond, qu’importe que tu puisses ou non le croire. L’important était que les termes du contrat soient parfaitement clairs.

« - Je t’apprendrai à utiliser la magie que recèle ce bijou et te protègerai. Si en échange tu utilises ces mêmes pouvoirs lorsque j’en aurai besoin. »

S’improviser précepteur était risible. Elijah était parfait pour le rôle, doué de patience et d’une pédagogie sans nulle égale sur cette terre… il était surprenant que l’hybride puisse concéder à cette tâche sans plus rechigner. Son regard se fronce, son rictus s’étire, malgré la douleur et la nostalgie qui hantait sans cesse ses traits, c’est la colère et la violence qui caractérisait le plus souvent l’apparente expression dont il se parait. La satisfaction était suffisante pour lui offrir un léger rire. Il se rapproche et s’accroupit face à toi, tu étais toujours assise sur ce banc et il feignait une scène chevaleresque. Un genou au sol, l’autre surélever pour pouvoir supporter son coude lorsqu’il attrape ta main. Son regard remonte lentement dans le tien alors qu’il souffle dans un murmure rauque et plein d’un sentiment encore inconnu et mystérieux :

« - Je te promets de te guider en échange de ta dévotion complète. » Il serre ta main dans la sienne et tire dessus lentement, te forçant à te cambrer en avant, son visage frôlant soudainement le tien. Un sourire sardonique en guise d’accueil ; il raille dans une voix tremblante de menace :

« - Mais si d’aventures tu venais à me trahir ou suscite un quelconque doute… Sache que l’éternité ne serait pas assez longue que pour supporter toute l’agonie que je te réserve. »

Son sourire ne désemplit pas. Il y avait chez lui, cette aura hypnotique qui lui seyait avec une cruauté séculaire. Son visage s’assombrit malgré les quelques rayons blafards de la lune qui colorait la pièce au travers des vitraux. Les vampires ne cessaient d’errer, certains bruits vous parvenaient, l’odeur âcre du sang et les relents pestilentiels de la chair en décomposition lui brûlait les cavités nasales. Le plus prudent serait de te préserver à l’abri des regards, et d’attendre l’aube pour te ramener chez lui, dans le secret le plus infime. Tu allais être sa carte maitresse, son arme ultime. Et s’il devait désormais réduire à néant toute la ville pour s’attirer ta loyauté inébranlable, il le ferait sans plus hésiter.