Aylee est plutôt discrète, elle ne cherche pas à se faire remarquer et à attirer l'attention sur elle.
Le côté doux et angélique de son visage de porcelaine ne signifie pourtant pas qu'elle est naïve et faible. Elle possède un vrai sens de l'honneur quand elle croit en ce qu'elle défend.
La rouquine peut sembler froide quand on ne la connaît pas. Introvertie et peu expressive, elle possède une facette de sa personnalité plus amicale et ouverte lorsqu'on apprend à la connaître.
Une répartie sans faille, elle essaie de ne jamais flancher et de toujours garder la tête haute.
Vivre avec des chasseurs mafieux lui aura appris à se méfier de tout et n'importe qui... Et peut-être que c'est à vous de vous méfier d'elle.

Il a mis des bracelets à sa liberté, elle vivra pour s’en libérer.

Avant de partir, son père lui avait donné ce carnet, dans lequel il lui sommait de coucher les moindre aspects de sa vie, pour que la mémoire de sa famille reste intacte malgré le temps.
Elle détenait donc un carnet à la couverture faite de cuire et d’or, un carnet dans lequel elle n’écrira jamais.

Si elle avait dû raconter sa vie sur ces feuilles jaunâtres, elle aurait sûrement commencé par les évènements survenus bien avant sa naissance et qui déterminent toute sa vie.
À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Mafia devient le mot que l’on utilise pour désigner la très célèbre Cosa Nostra, mère du crime Sicilien. Elle vous aurait sûrement raconté les nombreux écarts de sa famille durant tout le 20e siècle. D’origine sicilienne, son père Luciano Gigante était le parrain de la famille Genovese, l’une des cinq familles mafieuses de New-York. Très connue pour ses assassinats, ses détournements de fonds et son trafic de drogue, la famille Genevese brassait des millions et ne manquait de rien.

Née en 1995 d’une union peu conventionnelle entre son père et une dénommée Elizabeth Jane de 15 ans sa cadette, Aylee poussa son premier cri un jour d’été où le soleil, à son zénith illuminait les baies vitrées du manoir des Hamptons dans lequel Gigante faisait vivre sa femme et sa bonne. Elle passa la quasi-totalité de sa vie dans cette grande maison avec pour seule compagnie ses peluches à qui elle avait attribué des noms pour tenter de se sentir moins seule.
À cheval sur les principes et les valeurs que défendait la famille Genovese, lorsque son père apprit l'adultère de sa femme avec un membre son propre clan, Luciano prit les armes pour faire payer à l’homme sa trahison.
Un bruit sourd, les hurlements de sa mère qui suppliait son mari d’épargner la vie de celui qui avait trahi sa famille, des pleurs et un homme tombant sous le poids de son corps mort sur l’herbe fraîche qui recouvrait les jardins du Manoir Genovese. Du haut de ses sept ans, Aylee avait compris ce jour-là de la terreur qu’était son père et des méthodes qu’il utilisait contre ceux qui allaient contre ses volontés. Il ne fallut que quelques jours à Elizabeth pour rejoindre l’homme dont elle était amoureuse et qu’elle avait vu mourir à ses pieds.

Si elle avait écrit dans ce carnet, elle aurait sûrement exprimé la douleur qu’elle avait ressentie à la disparition de sa mère dont elle tenait son père pour responsable. Elle vous aurait expliqué quelle enfance elle a vécu. Une enfance privée de liberté, contrainte de vivre cloîtrée dans le manoir familial dans lequel elle n’avait que sa nurse pour compagnie. Les rares fois où son père venait lui rendre visite, il lui rappelait la déception qu’il avait de n’avoir eue qu’une fille comme descendance. Malade depuis quelques années, il était devenu stérile.

Elle aurait décrit les longues journées où son père la forçait à apprendre l’art des sports de combat et celui du maniement des armes avec les membres de son clan. Elle aurait expliqué le malheur d’une enfant de treize ans, capable de tirer une balle entre les deux yeux d’une personne. Elle aurait sûrement fait part de toutes les tentatives de son père afin de la déshumaniser et de faire d’elle un bon petit soldat qui suivrait ses compatriotes à la guerre s’il le fallait. Elle vous aurait fait voir la pureté inébranlable de son cœur que même l’âme sombre de son père n’a pu souiller. Il n’aimait pas sa fille que pour l’idée de la voir un jour marcher dans ses pas et être, comme lui, un tyran.

Elle vous aurait expliqué sa déception lorsqu’elle découvrit qu’au-delà du trafic de drogue et du proxénétisme, sa “famille” faisait également dans la chasse. Ils ne chassaient pas du gibier le dimanche après-midi, mais des créatures surnaturelles, ces mêmes créatures que Aylee avait connu grâce à la littérature et aux histoires que sa mère lui contait avant le coucher. Elle aurait couché sur le papier la honte que lui faisait ressentir cette nouvelle étiquette. Elle vous aurait sans nul doute raconté toutes les recherches qu’elle avait fait sur les vampires et autres créatures surnaturelles et de toutes les découvertes qu’elle avait fait en grandissant. Vous auriez compris au travers de ses écrits la détresse d’une jeune femme née dans la mauvaise famille.

Aylee vous aurait aussi sûrement fait part de désir de rejoindre une école de chasseurs d’élite à Downside. Vous auriez sûrement compris que s’y rendre était sa seule solution pour échapper à la vision patriarcale qu’à son père du monde qui l’entoure.

Vous auriez sans doute remarqué tous les aspects de sa vie qu’elle préférait taire pour essayer d’apprendre à vivre maintenant qu’elle n’est plus sous le joug de son père qui la laisse livrée à elle-même après 24 ans de captivité, si Aylee avait écrit dans ce carnet.
Mais elle ne l’a jamais fait.

“N’oublie jamais d’où tu viens.”

Ses sourcils se froncent et un faux sourire décore ses lèvres alors que ses yeux balayent le quai de la gare.
Elle avait vu la fierté dans son regard quand elle était montée dans le train. Pour la première fois en vingt-quatre ans, son père ne la regardait pas avec mépris, mais avec fierté. Il était satisfait de voir sa fille partir étudier dans une école censée former des chasseurs. Il la voyait déjà marcher dans ses pas - malgré le fait que ce soit une femme - et devenir comme lui, une grande chasseuse. Elle ne lui avait adressé qu’un bref regard, sans aucune émotion. Ni tristesse, ni dédain, pas même de la joie, rien qu’un regard qu’elle espérait être le dernier qu’elle aurait à lui offrir.

“Espérons que si.” Murmure-t-elle en rejoignant son siège.

Cet homme empestait la haine et le dégoût pour les espèces surnaturelles qui peuplaient le monde. Elle, n’en avait pas grand chose à faire. Elle partait du principe que chaque être est en droit de vivre du moment qu’il n’importune personne. Les raisons qui l’avaient poussée à quitter le cocon étaient la haine qu'elle vouait à son père qui ne semblait pas s’atténuer avec le temps.

Elle n’avait pas toujours détesté Luciano, durant des années elle l’avait craint plus qu’autre chose. Son air froid, son côté renfrogné et sa violence incontrôlable avaient terrifié la gamine qu’elle était il y a encore quelques années. En grandissant elle avait compris que la seule chose qui lui permettrait d’avoir le dessus sur son paternel serait sans conteste le fait qu’elle ne prendrait jamais la succession du trône de rouille qui donnait à cet homme des pouvoirs qu’il ne méritait pas. Il l’avait laissée partir parce qu’elle avait émis la volonté de devenir chasseuse pour reprendre un jour le rôle de son père au sein de leur famille, mais elle savait qu’il n’en serait jamais le cas, elle ne mettra ses talents de chasseuse à profit que s’il lui est possible d’ôter la vie à son père, ou si la sienne est en danger.

Son visage se tourne vers la baie vitrée du train et elle observe son paternel qui semble lui sourire pour la première fois depuis des années. D’un point de vu extérieur, il ressemblait à un vrai père, saluant sa fille, fier de la voir devenir une femme. Elle aurait aimé que cette vision ne soit pas qu’une image faussée par des sourires hypocrites et des gestes de la main mensongers. Elle sourit, pour répondre au chasseur avant de marmonner :

“Va crever.”

Le train démarre et emporte avec lui le visage d’un père abruti par une fierté provisoire.